Publié par : gperra | 7 avril 2024

Manuscrit Annie

Publié par : gperra | 6 avril 2024

Mon premier jour en ce monde

Publié par : gperra | 3 avril 2024

Songe du Vendredi 9 janvier 2024 à 14 heures

Il est 14h, le vendredi 9 fevrier 2024. Je viens d’apprendre que tu es en désaturation. J’ai pris mon vélo et je remonte le boulevard Kellermann. L’hôpital Charlefoix est à 25 minutes, au moins. Je pédale aussi vite que je peux. Arrivé à la Porte d’Ivry, je bifurque. Je suis bientôt en haut la longue descente vers le centre-ville.

C’est à ce moment là, je crois, que je l’ai senti. Sur la place Jean Ferrat, l’espace se dégage, à la fois devant moi et au-dessus de moi, vers le ciel bleu qui me surplombe et sur Ivry en contrebas : et c’est soudain comme si quelque chose s’ouvrait et s’arrêtait tout à la fois.

Dans ma course, cet instant n’est presque rien. Pour toi, à quelques centaines de mètres de là, c’est pourtant ta vie qui prends fin, tandis que je file à vive allure, dans le vent de la pente que mon vélo dévale en trombe. Je venais vers toi, comme je l’ai toujours fait, tandis que ta fille était à tes côtés, ainsi qu’elle l’a toujours été.

Quand je suis arrivé, dix minutes s’étaient écoulées. J’ai les ai senties sur les épaules d’Aurélie, au pied ton lit. Ton depart était déjà gravé en elle. Puis je l’ai vu sur ton visage, tout autre et pourtant encore le même.

J’ai mis ma main dans la tienne. Il y avait encore de la chaleur en elle. Je me suis souvenu de cette sensation que, un an plus tôt, j’avais ressenti lorsque je t’ai accompagné, un soir d’hiver, dans le XIXeme arrondissement, jusqu’au cabinet médical, veillant sur tes pas et prévenant toute chute. Nous descendions le Boulevard Serurrier. Avec ta main dans la mienne, dans le silence de ce simple geste, j’avais ressenti tout l’amour sans paroles que nous avions l’un pour l’autre. Celui d’une mère et de son fils. Et je m’étais dit que nous descendions ensemble vers ta mort.

Maintenant, au chevet du lit où ton corps vient d’expirer, dans cette chambre 235, c’est la même chaleur du creux de ta main que je retrouve en y glissant la mienne. Celle de ton âme et de ton sang.

Bientôt, celle-ci s’estompe et disparaît. Tu avais seulement pu la garder quelques minutes encore dans le creux de ta paume et au bout de tes doigts, jusqu’à mon arrivée, pour me dire adieu.

Publié par : gperra | 28 mars 2024

Cadeau de Annie à Mireille Dupont

Publié par : gperra | 23 mars 2024

Fais moi la grâce de ton aide…

Publié par : gperra | 21 mars 2024

Homélie pour Annie Perra

Annie est née le 29 septembre 1942 à Poitiers, troisième enfant d’une fratrie qui en comptera quatre : Robert, Bernard, Annie et Françoise. Lorsque ma mère a appris le décès de Robert en septembre dernier, après celui de Bernard en février 2023 et celui de Françoise un an et demi plus tôt, elle a dit : « C’est toute cette famille qui s’en va ! »

A l’âge de 15 ans, Annie avait été très marquée par la longue maladie et le décès de sa mère. La veille de sa mort, elle s’en voulait de ne pas avoir été assez présente pour elle, disait-elle à sa fille. Ayant eu la même maladie que sa mère à l’âge de 33 ans, elle a su y faire face avec combativité et réactivité, prenant à bras le corps cet enjeu vital. C’est de cette façon qu’elle fera face à toutes les maladies qui surviendront ensuite dans sa vie, les assumant sans aucune résignation, sans jamais se plaindre, avec un courage et une patience à se soigner qui fera l’admiration des médecins, jusqu’aux ultimes moments de sa vie.

Elle mettait en effet toujours tout  en oeuvre afin de rester le plus longtemps possible auprès de ses enfants, en se surveillant de près médicalement, elle qui avait tant souffert de ne pas avoir de maman depuis l’âge de 15 ans.

Après son baccalauréat, elle est devenue assistante sociale, tout d’abord au CROUS, avec les étudiants. C’était un travail qu’elle aimait beaucoup et dans lequel elle déployait ses grandes qualités d’écoute des autres et de volonté de les aider. Elle avait beaucoup d’empathie pour les malades, les faibles, les personnes âgées et handicapées, ne s’arrêtant jamais à l’apparence, tant la superficialité lui était inconnue .

En 1970, après son mariage, naissait son premier enfant, Grégoire, suivi plus tard de sa fille Aurélie. La qualité du lien qu’elle a su construire et maintenir avec eux malgré toutes les péripéties de la vie a fait que ceux-ci l’ont accompagné plus tard dans la maladie, sans que jamais ce ne soit vécu par eux comme un poids, mais parce qu’être auprès de quelqu’un comme elle faisait toujours plaisir, quelles que soient les circonstances.

Elle était gentille, à l’écoute, attentive au autres, respectueuse de leurs libertés intérieures, pleine de vie, aimant toujours apprendre, lire, peindre, dessiner,  faire du théâtre, écrire, marcher… douce et combative à la fois.

Ses 15 dernières années auprès de son compagnon Serge Taillandier furent empreintes de voyages à vélo, sur les routes de France et de balades dans le pittoresque 19e arrondissement, dans ce Paris qu’elle aimait.

En 2020, elle fut l’une des premières à être frappée par la pandémie. Ce fut la première fois qu’elle revint d’entre les morts, contre toute attente. Ce ne fut pas la dernière.

Ces trois dernières années, la maladie a été omniprésente pour elle. Cela faisait plus d’un an qu’elle enchaînait les séjours à l’hôpital. « Je reviendrai chez moi… je ne sais pas quand. » disait-elle encore quelques   jours avant sa mort. A la fin du mois de janvier, elle a voulu participer à un concours de poésie dont le thème était : La Grâce. C’est la première fois qu’elle s’essayait à ce type d’écriture. Elle a ainsi laissé une trace de ce qu’elle vivait intérieurement et de toute la complexité du combat contre la maladie où se mêle l’espoir, le désir de vivre, le constat lucide de sa faiblesse, la confiance en la médecine et en la science, l’envie que tout cela s’arrête :

“Fais-moi grâce de ton aide

Pour ne plus en avoir besoin

Moi je suis encore trop faible

Plus la force de lever le poing

Pour m’opposer à tous ces soins

Tous ces remèdes pour me guérir 

Ou m’empêcher de dépérir

Faire confiance à ceux qui, de loin

Trouvent cependant mon point faible

Ces chercheurs qui creusent et que j’admire.”

Elle est partie le vendredi 9 février, vers 14h20, au terme de toute une nuit de combat. Dans un dernier geste quasiment surhumain, alors qu’elle était dans le coma, elle a serré la main de sa fille Aurélie dans la sienne et l’a ramené vers son cœur, tout en  rendant son dernier souffle.

Publié par : gperra | 21 mars 2024

En clôture de la cérémonie du Cimetière 

Nous nous effacons tous de la mémoire des vivants. Il ne reste plus grand chose de nous au bout de quelques décennies. Et sans doute plus rien après un siècle où deux.

Et pourtant, il est incompréhensible et même scandaleux qu’une vie, qu’un corps, qu’une personnalité, dans tout ce qu’ils ont d’infiniment merveilleux et d’unique, puissent ainsi disparaître. Rien au monde ne saurait justifier cela ! 

Nous nous en consolons parfois en nous disant que certains laissent quelques traces d’eux-mèmes dans la memoire collective.

Notre mère cependant a fait partie de ces personnes ordinaires, qui n’ont jamais fait parlé d’elles, qui ne laisseront aucune trace dans l’Histoire.

Elle était tellement discrète que, s’il n’y avait pas eu ses maladies de ces dernières années, sans doute ses qualités seraient passés totalement inaperçues. Cette année pourtant, le secret commençait à être de moins en moins bien gardé : elle était connue dans toute la Salpetriere, tellement sa sortie du coma et son opiniâtreté à surmonter tout ce qui lui était arrivé avait stupéfait les médecins. On la surnommait “la miraculée” des Soins Intensifs.

Notre maman n’a pas bâtie d’oeuvre, comme la Missa Gallica de son frère Bernard, ou les centrales nucléaires de son autre frère, Robert, où les magnifiques sacs de cuir de sa soeur Françoise. Elle n’a pas bâtie d’oeuvres, mais des liens. Elle avait en effet en elle une force qui consistait à construire et cultiver les liens, faisant face à des adversaires redoutables, qui les détruisaient avec rage et perfidie. Elle, patiemment, elle les maintenait, les reconstruisait, parfois en partant des ruines et de la dévastation. Et elle le faisait sans jamais user des mêmes procédés que ceux à qui elle faisait face, sans jamais manipuler ou dominer les autres. Car les seuls liens véritables étaient pour elle des liens libres. La patience était sa manière d’agir, parce que seule la patience se conjugue avec le respect.

Elle avait également un autre adversaire : la maladie et la mort. Cet adversaire, elle l’avait rencontré très tôt, à l’âge de 15 ans, sous les traits du cancer qui avait emporté sa propre mère. Puis de son propre cancer, à l’age de 33 ans. Puis de la maladie de son compagnon, lorsqu’elle avait 50 ans. Puis, enfin, ces trois dernières années de sa vie, où elle a réchappé de la mort à de nombreuses reprises. 

On pourrait donc se demander : mais quel sens avait donc ce combat ? La maladie et la mort n’ont-elles pas fini par l’emporter, au bout du compte ? N’a-t-elle pas elle-aussi été vaincue, comme nous le serons tous un jour ?

Penser cela, ce serait ne pas voir cette dimension du combat contre la maladie et la mort où chaque victoire remportée contre elles est en même temps une victoire sur soi-même et une victoire pour les autres. Car ce temps arraché contre toute attente n’a pas été vain. Il a, au contraire, été du temps pendant lequel sa présence parmi nous a permis aux liens détruits de reprendre vie, de s’approfondir et de s’affermir. Il ne s’agissait pas de repousser l’inéluctable ni de se voiler la face, de “s’acharner”, comme on le dit parfois. Il s’agissait de donner aux liens le temps qu’ils n’auraient, sinon, pas eu.

Il y a fort longtemps, dans des termes maladroits, mais plein de poésie, quelqu’un a écrit : “Mort, où est ta victoire ?”. Je crois que cet homme, très attentif à la construction patiente des liens entre les êtres humains, avait saisi cette réalité que je cherche à mon tour, ici aujourd’hui, à exprimer, sans bien parvenir à mettre les mots justes dessus non plus. 

“Mort, où est ta victoire ?”, c’est l’exclamation de quelqu’un qui, portant son regard sur certaines dimensions de l’existence, était parvenu à percevoir que la mort ne gagne qu’en apparence, quand finissent par pouvoir naître des liens d’amour.

C’est pourquoi nous pouvons dire à notre mère : maman, merci de t’être battue comme tu l’as fait ! Tu ne le sais peut-être pas – et nous ne mesurons pas nous même encore bien la portée de ce que tu as fait – mais tu as sans doute rendu possible beaucoup de choses qui, sinon, ne l’auraient pas été. Merci, car beaucoup de choses viendront, qui n’auraient probablement pas pu voir le jour si tu n’avais pas surmonté la mort à plusieurs reprises, comme tu l’as fait. Tu as infléchi le cours de l’avenir, tu as semé dans le présent, tu as fait surgir en toi et en tous ceux qui t’entouraient des qualités qui n’auraient pas pu éclore sans cela. Tu nous a donné d’être une famille, à nouveau.

Dans de nombreuses années, quand nous reparlerons de tout ceci, quand nous nous retournerons sur ce temps d’épreuves que nous venons de traverser avec toi, il est probable que nous nous rendrons compte à quel point tout ceci nous a édifié et révélé à nous-même. 

Mort, où est ta victoire ?

Grégoire, pour Maman

Publié par : gperra | 2 mars 2024

Songe du Deuil

La veille de ton dernier jour fût un aveu de ce savoir que tu avais de ton départ si proche : en quittant ta chambre d’hôpital, j’ai été surpris de ton geste de la main pour me dire au-revoir, accompagné de ton sourire si plein de confiance en notre lien.

Seule la force d’un tel moment peut maintenant détourner les yeux de mon imagination des profondeurs de la tombe où ton corps séjourne à présent. Car il est bon que certaines choses demeurent cachées : le cadavre livré au temps et l’âme qui s’en libère. Ni l’un ni l’autre ne seraient supportables à ceux qui doivent continuer de vivre.

C’est pourquoi la persistance de ton amour en moi ne me donne droit à aucune preuve de ton existence de l’autre côté. Les quelques signes que je décèle refusent obstinément ce titre glorieux, bien que ce qui nous relie serait presque en droit de le réclamer.

Mais il le fait pas, par respect pour l’existence. Que vaudrait-elle sans son secret ? C’est comme si tu me disais : n’as-tu pas assez d’amour en toi pour attendre que ta propre mort te donne la réponse à cette pauvre question, en son heure ?

En attendant, je ne suis pas vide, mais comblé. Car le souvenir de ton visage et de ton regard n’est pas qu’une image sur l’écran de ma mémoire, mais une présence qui me façonne. C’est comme si je pouvais parfois te devenir, au moins pour quelques instants.

Le temps est en effet venu pour moi que ma propre vie soit aussi un hommage à la tienne, puisque ta mort a fait de moi ton dépositaire. Que tu ai disparu de l’univers alors que moi j’y marche encore le transforme : je serais à la fois cette protestation sans failles contre ta disparition, et cette acceptation joyeuse d’avoir été ton fils.

Je sais que ce que tu as à me dire, mon cœur l’entendra. Tu me parleras donc désormais comme si je me parlais à moi-même. Tes conseils seront peut-être rudes, mais tes mots me donneront toujours la force de vivre et d’avancer. En temps voulu, tu monteras la garde à mon côté, toute armée de puissance.

Mais prends soin des vivants tout comme tu chéries mon souvenir, sembles-tu me murmurer. Et n’oublies pas que tes aventures te sont données : tu te regarderas en elles quand, toi-aussi, tu ne verras plus le Soleil. Et nous seront fiers qu’elles aient été si mouvementées !

Publié par : gperra | 24 février 2024

Témoignage de Isabelle pour Annie

Publié par : gperra | 24 février 2024

Témoignage de Grégoire pour Annie

Il y a quelques semaines, ma mère m’a posé une question, avec un petit sourire malicieux dans la voix :

  • “Tiens au fait Grégoire, j’ai écouté une émission très intéressante à la radio et j’aurais une question à te poser :

Est-ce que l’Amour est plus fort que la mort ? Est-ce que tu crois, toi, que l’Amour est plus fort que la mort ?

Je me souviens avoir été surpris, compris sans comprendre ce que signifiait le fait qu’elle me pose cette question, ce que cela annonçait, balbutié face à ce qui est sans doute la plus vertigineuse des questions de la philosophie, de la métaphysique, de la religion, de la psychologie et de la littérature réunies, puis avoir tenté de botter en touche :

  • “Euh, je ne sais pas maman, je pense que oui, mais là tu vois il faut que j’aille faire des courses alors…”
  • “D’accord, pas de soucis, m’a-t-elle répondu d’un ton tranquil. Mais quand tu auras le temps, j’aimerais bien que tu répondes à ma question.”

Elle ne m’en reparla plus et je pensais bien avoir pu esquiver une dissertation supplémentaire de 7h, semblable à celles que je dois rédiger pour l’agrégation de Philosophie.

C’était sans compter sur le fait que l’on retrouve, dans les papiers qu’elle a laissé, une feuille où était écrite, à l’encre rouge, la même question qu’elle m’avait posée :

  • “L’Amour est-il plus fort que la mort ?”

C’est alors que je me suis souvenu que ma mère était bien gentille, mais aussi sacrément têtue, et qu’elle n’avait en fait nullement renoncé à obtenir la réponse à la question qu’elle m’avait posé. Et qu’elle avait même, pour ainsi dire, joint le geste à la parole, en mourrant pour me la poser à nouveau, avec un tout petit peu plus d’insistance cette fois.

Alors, c’est d’accord maman ! C’est bon, j’ai capté le message, j’ai compris, je ne vais pas me dérober cette fois : je vais répondre à ta question !

En Philosophie, lorsque l’on tente de répondre à une interrogation, vous savez qu’il est important de commencer par bien définir les termes du sujet. Il faut donc définir les deux principaux : l’Amour et la Mort.

La mort, ce n’est pas très compliqué. C’est ce que tu as surmonté à plusieurs reprises ces dernières années. La mort, c’est aussi ce que tu n’as jamais laissé pénétré dans ton cœur, sous quelques formes que ce soit : l’ennui, la résignation, la perte du courage, le jugement des autres, cette peur que les méchants veulent parfois nous inspirer, la perte du désir d’aller de l’avant. La mort, c’est quand on ne sait plus s’émerveiller d’un soleil couchant qui tombe sur la ville en été. C’est quand on ne comprend pas que tout est occasion d’apprendre, de se réjouir et de s’efforcer, comme tu le faisais toujours. La mort, c’est quand on ne prends plus la peine d’essayer de percevoir et de corriger ses défauts, et qu’on se laisse glisser peu à peu là où ils veulent nous conduire. La mort, c’est la destruction des liens entre les personnes.

Passons maintenant au deuxième terme de l’énoncé : l’Amour.

L’Amour, ce n’est pas bien compliqué non plus. C’est la manière dont tu as été présente pour nous tout au long de ta vie. L’amour, c’est aussi le fait de savoir ne pas insister auprès de ceux que l’on aime quand on pense savoir ce qui est bien pour eux, par ce que tu savais que leur liberté est plus importante que leur bien, même quand il s’agissait de tes enfants. L’amour, c’est d’être revenu du coma parce que nous te l’avions demandé. L’amour, c’était ta lutte pour vivre. C’est d’avoir su maintenir, cultiver et rattraper avec patience les liens, même quand ceux-ci parfois ne tenaient plus qu’à un dernier fil, qui allait s’effilochant. L’amour, c’était de peindre, de dessiner, de marcher, de taquiner, manger, questionner, tenir tête, tenir bon. L’amour, c’est de sentir sa respiration changer quand la personne aimée nous dit qu’elle nous aime.

Si la question eut été de savoir si toi, maman, tu étais plus forte que la mort, il eût été trop facile d’y répondre. Tu as battu tant de fois la mort que, si celle-ci avait eût ne serait-ce qu’un minimum d’amour propre, elle ne serait pas revenu une fois encore à la charge et aurait accepté ses défaites avec dignité. 

Non, l’interrogation n’était pas de savoir si toi tu es plus forte que la mort (ça, c’était évident) mais si l’Amour l’est. Et cela, c’est une question plus délicate, car sa réponse ne dépends en fait pas seulement de toi, mais de nous.

Aimer quelqu’un, en effet, c’est reconnaître en lui une part de ce qu’on est et de ce que l’on veut devenir. En t’aimant, nous avons reconnu peu à peu toutes ces qualités qui font partie de toi et qui nous faisais du bien chaque fois que nous étions en ta présence. Une part profonde de nous voulais te ressembler et s’accomplir à ton exemple. Avec toi, rien n’allait jamais à sens unique : tu nous donnais toujours au moins autant que l’aide que nous t’apportions, même quand tu n’as plus eut que ta présence à nous offrir : cette présence qui nous réconciliait avec nous-même, comme une force qui oeuvre lentement, avec patience, dans les profondeurs. 

Jusqu’à ce jour, le vendredi 9 février 2024, à 14h20, où il n’y a plus eût que toi, mais sans ta présence, ou ta présence sans toi, je ne sais pas, dans ce corps que la vie venait tout juste de quitter. Ton beau visage était désormais silencieux, mais comme infiniment à l’écoute de tous ceux qui t’entouraient. Comme si ce qui t’importait désormais au plus haut point, c’était notre présence et la persistance des liens entre nous. Ton visage sans vie était désormais un souvenir de toi, mais un souvenir vivant, semblable à celui qui va vivre maintenant dans nos mémoires. Dans ce visage, dans ce corps de combattante, il y avait comme l’essentiel de ce que tu es, qui se communiquait à nous avec douceur.

Car c’est sans doute cela le secret de la Mort et de l’Amour : ceux qui sont mort peuvent transmettre une part de leur être à ceux qu’ils ont aimé, si ces derniers s’en souviennent avec amour et s’ils restent unis.

L’Amour est-il plus fort que la mort ? Oui maman, je le crois, dans la mesure où ce qui vivra de toi dans nos souvenirs deviendra peu à peu la meilleure personne que nous aspirons à être, et que nos liens seront plus forts que tout ce qui sépare et désunis. Tu comprendras donc que je ne peux pas, aujourd’hui, donner la réponse à ta question. J’ai tout le reste de ma vie sans toi pour y répondre, en essayant de prendre appui sur l’exemple de ta vie et sur les liens que tu nous as laissé. Ce n’est que lorsque je mourrai à mon tour que toi, peut-être, tu pourras me dire si tu es satisfaite de ma réponse. 

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